Syrphes aphidiphages, prédateurs de pucerons
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SPECTRE D’EFFICACITÉ ET CULTURES ENVISAGEABLES
- Proies : la famille des syrphidés se subdivise en trois sous-familles comprenant 200 genres environ et plus de 5 000 espèces décrites dans le monde. En France, on dénombre plus de 500 espèces. En lutte biologique par conservation, on considère que les genres Syrphus, Episyrphus, Epistrophe et Scaeva s’avèrent comme des auxiliaires importants. Ce sont des prédateurs aphidiphages au stade larvaire, tandis que les mouches adultes que l’on rencontre souvent en été, assez typiques avec leur vol rapide et stationnaire (longs moments de surplace dans les airs), sont floricoles et contribuent ainsi à la pollinisation. Elles se nourrissent de pollen et de nectar, nécessaires à leur développement et à la formation des œufs chez les femelles. Le service écosystémique des syrphes est donc double, à la fois pollinisateur et prédateur. D’autres syrphes tels que les Eristalis vont générer des larves aquatiques coprophages qui vivent dans les jus de fumier, les lisiers, les silos, les eaux croupies peu profondes ou les bassins de lagunage. On les rencontre au stade imago, butinant de nombreuses fleurs.
- Principales cultures concernées : la plupart des syrphes auxiliaires sont spontanés dans les cultures. Ils fréquentent des plantes fleuries ou infestées de pucerons. Mais les femelles du syrphe Sphaerophoria rueppellii sont utilisées en biocontrôle. Elles sont principalement lâchées sur des fraisiers ou des poivrons pour y pondre leurs œufs. Émergent ensuite des larves prédatrices de pucerons, capables de se nourrir d’autres arthropodes ravageurs, parmi lesquels des aleurodes et des acariens phytophages.
- Comportement et efficacité : beaucoup de syrphes miment les abeilles, les bourdons et les guêpes, avec lesquelles on peut les confondre, mais elles ne possèdent qu’une paire d’ailes contre deux pour les hyménoptères et ne piquent pas. Peu connus comme pollinisateurs, les syrphes sont pourtant très utiles pour la fécondation des fleurs de plantes sauvages et agricoles. Ils sont aussi essentiels à la biodiversité fonctionnelle des parcs et jardins, à l’image du syrphe ceinturé (Episyrphus balteatus), l’une des espèces les plus rencontrées dans ces milieux paysagers. Tout comme beaucoup d’insectes pollinisateurs, les espèces de syrphes ne sont ni vraiment spécialistes (ciblant un nombre restreint de plantes florales, voire une seule), ni vraiment généralistes (attirées par toutes les fleurs), pourvu que le pollen ou le nectar soit accessible. Leur importante mobilité leur permet de coloniser rapidement les cultures et de pondre directement dans les colonies de pucerons pour assurer l’alimentation future de leurs larves qui, elles, se déplacent peu. Très vorace, chaque asticot consomme au cours de son développement (dix jours environ), en fonction des espèces, de 400 à 700 pucerons en moyenne (une larve d’Episyrphus balteatus en dévore jusqu’à 1 200). Les larves peuvent détruire les colonies en s’attaquant à tous les stades du ravageur, y compris les individus ailés, même avec un ratio prédateur-proie très faible (1/245). Certaines espèces, au nombre desquelles E. balteatus, vont adapter le nombre d’œufs pondus à la taille de la colonie, ce qui évite le cannibalisme.
L’activité des syrphes est conditionnée par la présence de fleurs en abondance dans l’environnement cultural. Pour favoriser la lutte biologique par conservation, il est donc judicieux de semer des bandes fleuries à base de dicotylédones (l’achillée millefeuille, le coquelicot, la menthe, la pâquerette, la phacélie, les vipérines…) autour des champs ou d’installer des plantes attractives, telles que des potentilles frutescentes (Potentilla fruticosa), au sein des cultures ornementales sensibles aux pucerons (les pépinières, les productions horticoles). Ainsi, chaque producteur ou gestionnaire d’espace vert peut donner un coup de pouce à la nature. Les cas les plus dépendants d’une intervention de ce type sont les productions monospécifiques non fleuries, couvrant de moyennes ou grandes surfaces, souvent éloignées des infrastructures agroécologiques (bosquets, haies, prairies…), de même que les plantations en milieux urbains.
La pointe d’activité des syrphes se situe généralement en juin-juillet, mais ils sont présents, selon les espèces, de février à novembre et sortent par temps ensoleillé. Certaines espèces à cycles polyvoltins présentent jusqu’à cinq générations annuelles, sont migratrices et, parfois, se déplacent sur de grandes distances. Très précoces au printemps, elles peuvent être très efficaces contre les pucerons tôt dans la saison.
Une autre distinction entre les syrphes peut être faite par rapport à la diversité de leurs proies. Les espèces dites polyaphidiphages consomment diverses espèces de pucerons (par exemple, Episyrphus balteatus s’attaque à 215 espèces de pucerons différentes sur plusieurs plantes hôtes. Sphaerophoria spp., Eupeodes corollae et Scaeva pyrastri sont également polyaphidiphages). En revanche, d’autres espèces sont prédatrices de peu ou d’une seule espèce de pucerons (ainsi Paragus spp.).
Enfin, en raison de leur grande diversité et de la dépendance de leurs larves à certaines ressources alimentaires et/ou à des milieux (spécifiques à chaque taxon), les syrphes sont vus en Europe comme des insectes bio-indicateurs des écosystèmes, notamment pour la réalisation d’études environnementales à grande échelle, par exemple l’évaluation de la richesse en habitats d’un paysage. Il existe, en outre, des clés taxonomiques pour les identifier dans le cadre de suivis entomologiques associés à des protocoles de piégeage standardisé (telle la tente Malaise).
- Toxicité de substances actives : tous les syrphes sont très sensibles (mortalité de 75 % et plus) à certains insecticides à large spectre d’efficacité, tels que les pyréthrinoïdes de synthèse (cyperméthrine, lambda-cyhalothrine, tau-fluvalinate).
CYCLE, CONDITIONS DE DÉVELOPPEMENT
- Morphologie
- Adulte : mouche de taille et de forme très variables selon l’espèce, mesurant de 7 à 15 mm de long. Son corps orné de rayures ou de bandes jaunes, blanc crème ou bien brunes lui confère une espèce de mimétisme batésien avec plusieurs hyménoptères (abeilles, bourdons, guêpes). À l’instar de tous les diptères, le syrphe adulte possède une seule paire d’ailes fonctionnelles et deux haltères ou balanciers qu’il porte en arrière du thorax. La nervation des ailes est importante pour la détermination de l’espèce : fausse marge formée par les nervures de l’aile, qui longent parallèlement la marge postérieure, fausse nervure près du centre (épaississement de la membrane alaire, non reliée à une véritable nervure). Le syrphe mâle peut se distinguer de la femelle grâce à ses yeux plus larges, qui occupent pratiquement toute la tête. Les antennes des syrphes sont généralement courtes et dirigées vers le bas, l’appareil buccal de type suceur sert à prélever du nectar.
- Œuf : forme allongée, environ 1 mm de long, blanc brillant, mais devenant plus foncé ou jaunâtre avec l’âge.
- Larve : asticot fusiforme de 8 à 15 mm de long, apode, blanc translucide, orange clair ou vert, parfois marbré ou avec des rayures noires ou marron orangé. L’extrémité antérieure du corps est toujours plus petite que celle de la partie postérieure. Appareil buccal constitué de stylets ou de crochets buccaux, avec lesquels elle consomme ses proies.
- Nymphe : forme de gouttelette ou de tonneau, de couleur verte ou marron, fixée à une feuille ou au sein d’une litière organique.
- Cycle biologique : les syrphes, holométaboles, sont des insectes à métamorphose complète. Leur développement se fait en quatre étapes : l’œuf, la larve, la nymphe et l’adulte ou imago. Selon les espèces, le cycle peut comporter : une seule génération printanière (cycle univoltin : espèces non migratrices, dont la diapause a lieu au stade larvaire de neuf ou dix mois, obligatoire ou facultative, pouvant entraîner une seconde génération) ; deux générations (cycle bivoltin : diapause de la larve en été et en hiver) ou plusieurs générations (cycle polyvoltin : soit une diapause au stade de femelles adultes d’espèces gynohivernantes, comme chez Episyrphus balteatus ou Scaeva pyrastri ; soit au stade larvaire : Sphaerophoria scripta, S. rueppellii, Melanostoma mellinum, M. scalare, Syrphus ribesii, S. vitripennis, soit au stade nymphal : Eupeodes corollae, E. luniger). Ces espèces migratrices à plusieurs générations, hivernantes au stade nymphal ou larvaire, volent d’avril à septembre et certaines d’entre elles font une diapause larvaire en été.
Quelle que soit l’espèce, les femelles fécondées déposent leurs œufs isolément ou par paquets sur les végétaux, généralement au beau milieu d’une colonie de pucerons. Après une semaine d’incubation, les larves naissent et se nourrissent alors de leurs proies. Ces asticots consomment des pucerons, surtout la nuit, en aspirant totalement le contenu des plus gros spécimens, tandis que les jeunes pucerons peuvent être ingérés en entier. Les larves de syrphe peuvent tuer jusqu’à 300 pucerons en une nuit, mais n’en manger que 30 à 40. Ainsi, leur efficacité est grande et le nombre de pucerons décroît rapidement quand les syrphes apparaissent dans une culture, en plein air comme sous abri.
Les larves de certaines espèces vivent dans les tas de compost et se nourrissent de débris organiques ou de végétaux en décomposition. Quinze jours après l’éclosion, la larve atteint le stade nymphal. L’adulte émerge après deux semaines et butine les fleurs.
- Conditions d’utilisation : pour effectuer un lâcher de syrphe Sphaerophoria rueppellii en biocontrôle, il faut installer une bouteille contenant des pupes, à l’abri de l’insolation et de toute projection d’eau, dans la culture infestée de pucerons et l’ouvrir . Dans les trois jours qui suivent, toutes les pupes ont éclos et les imagos prospectent les plantes à la recherche des foyers de pucerons qui pourront nourrir leur descendance.
Jérôme JullienPour accéder à l'ensembles nos offres :